Alors que les algorithmes occupent une part croissante dans notre quotidien, la question de les doter d’une conscience émerge dans le débat. Comment ces intelligences artificielles s’inspirent-elles de l’humain ? Comment fonctionne l’IA aujourd’hui et vers quoi évolue-t-elle ? Mais surtout : comment cet effet miroir profite-t-il à l’homme ? Autant de questions auxquelles des scientifiques de tous horizons apportent des éléments de réponse.
Aldous Huxley disait qu’« il y a trois sortes d’intelligence : l’intelligence humaine, l’intelligence animale, et l’intelligence militaire ». Il n’en manquerait pas une, là ? En 1956, lors de la conférence de Dartmouth, le terme « intelligence artificielle » est utilisé pour la première fois. « [La conférence] a créé une nouvelle discipline et a indiqué quelques pistes, comme les réseaux de neurones, l’apprentissage machine et l’étude de la créativité, sur lesquelles se sont ensuite concentrées les recherches », détaille Jean-Gabriel Ganascia, chercheur en intelligence artificielle et président du comité d’éthique du CNRS, dans une interview aux Échos.
Depuis, les chercheurs travaillent à injecter des notions se rapprochant de l’intelligence humaine dans les machines. Mais c’est quoi l’intelligence humaine, au juste ? On situe son siège dans le cerveau, et on l’associe aux capacités mentales et cognitives permettant de résoudre un problème, ou de s’adapter à son environnement. Émotionnelle, pratique, économique… l’intelligence a différentes facettes, ce qui rend sa définition complexe et sujette à polémique. Elle varie au gré des époques, des penseurs, et des découvertes sur son fonctionnement – qui reste très mystérieux, même aujourd’hui.
Penser ou imiter, telle est la question
Dès 1950, Alan Turing, dont les travaux ont posé les fondations scientifiques de l’informatique, recentre le débat sur l’intelligence artificielle avec le fameux « test de Turing », dans son livre Computing Machinery and Intelligence. Il suggère de remplacer la question « Les machines peuvent-elles penser ? » par « Les machines peuvent-elles imiter l’intelligence humaine ? ». Pour mesurer cela, Turing propose de tester la capacité des machines à imiter la conversation humaine au travers de questions et réponses écrites. Si l’interlocuteur humain ne parvient pas à discerner s’il s’adresse à un ordinateur ou à un autre humain, le logiciel a réussi le test.
Autant dire qu’aujourd’hui, les logiciels d’IA passent haut la main le test de Turing. Depuis 1994, aucun humain n’a réussi à battre le programme canadien Chinook aux dames anglaises, et Libratus remportait 1,76 million de dollars en plumant des joueurs de poker professionnels en 2017. Ces progrès ne se limitent pas au jeu. En 2012, l’IA de Google réussissait à reconnaître un chat après avoir visionné des vidéos sur YouTube. En 2016, le programme Watson conçu par IBM diagnostiquait une leucémie rare chez une patiente japonaise en seulement dix minutes. Comment les algorithmes sont-ils devenus si smart ?
Les algorithmes sur le chemin des écoliers
La programmation de l’intelligence artificielle a évolué au fil des progrès en informatique et des découvertes en neurosciences. Le deep learning est la technologie la plus prometteuse du machine learning. Il utilise une architecture de neurones artificiels connectés entre eux, inspirée de celle du cerveau. Ce réseau est capable de traiter une grande quantité d’informations et d’apprendre progressivement à partir d’images, textes ou données. Ces facultés de deep learning continuent d’être approfondies, avec un récent changement de paradigme qui ouvre des perspectives passionnantes.
Plutôt que de continuer à programmer des logiciels pour leur faire exécuter des tâches selon des scenarii prédéfinis, on demande maintenant aux algorithmes de trouver eux-mêmes la règle en se fondant sur l’exemple. Exactement comme des bébés découvrant le monde : bombardés d’informations sur leur environnement, ils en déduisent progressivement des règles qu’ils appliquent sans même avoir conscience de leur existence. Ce changement d’approche permet aujourd’hui d’entraîner les IA à réaliser des tâches très variées, et d’envisager une progression quasi infinie de leurs capacités.
Science sans conscience n’est-elle que ruine de l’âme ?
Pour l’instant, les progrès des algorithmes répondent à des situations bien précises : diagnostiquer une maladie, conduire une voiture, recommander un choix de lecture ou d’itinéraire, etc. Le défi de demain est la création d’une intelligence artificielle capable de lier tous ces usages, ce qui suppose une communication et une compréhension des IA entre elles.
Cette idée d’une super IA pose la question de sa conscience. Serge Tisseron, docteur en psychologie et auteur de Le jour où mon robot m’aimera. Vers l’empathie artificielle, en propose cette définition dans un atelier BNP Paribas : « La conscience de soi permet à l’homme de se percevoir comme le sujet d’une histoire avec un passé et des projets. On peut imaginer que la complexification des réseaux de neurones artificiels pourrait produire une forme de conscience de soi. Mais de telles machines auraient une expérience du monde et d’elles-mêmes fondamentalement différente de la nôtre, et personne ne sait en quoi elle consisterait. » Cette conscience leur donnerait la possibilité d’élaborer leur propre projet d’existence, même si, rappelle Serge Tisseron, on en est encore très loin aujourd’hui !
L’étape suivante dans l’évolution de l’IA pourrait être de doter les algorithmes d’une personnalité artificielle, les rendant capables de simuler des émotions. Ces réactions resteraient totalement artificielles, et incomparables avec la conscience des êtres vivants. Les robots pourraient toutefois acquérir une autonomie de décision, tout en continuant d’évoluer dans un cadre défini par l’homme.
Du point de vue du formateur
Cette souplesse de l’intelligence artificielle est très bénéfique lorsqu’elle est mise au service de l’apprentissage… humain, cette fois-ci ! Intégrer des algorithmes au processus pédagogique permet de s’adapter au niveau de connaissances, à la méthode de mémorisation, au rythme d’acquisition de chacun des apprenants, et surtout au fonctionnement du cerveau humain. Les algorithmes utilisés en Ancrage Mémoriel® optimisent ainsi la mémorisation durable de ces nouveaux savoirs, en utilisant par exemple le « spaced learning », technique de répétition qui favorise leur mémorisation à long terme.