Spécialiste du Digital Learning, Philippe Gil a cofondé avec Philippe Lacroix le cabinet de conseil IL&Di. Tous deux accompagnent les entreprises dans la transformation digitale des activités de formation et leur stratégie d’innovation. Aujourd’hui, c’est Philippe Gil qui évoque avec nous un livre dont il est coauteur avec le Docteur Nadia Medjad spécialiste des neurosciences et Philippe Lacroix. Avec Neurolearning, Les neurosciences au service de la formation, le trio espère bien apporter un nouvel éclairage et quelques bonnes pistes pour améliorer les formations d’aujourd’hui et de demain. Échange.
Neurolearning, d’où vient ce mot ?
C’est un mot que nous avons créé et déposé. Il a pour nous un double sens. Il traduit en effet :
- d’une part, la façon dont notre cerveau apprend ;
- d’autre part, la façon dont on peut améliorer l’apprentissage par la connaissance du fonctionnement neuronal.
Avec le suffixe learning, nous sommes plus focalisés sur l’apprenant qui est l’acteur de sa formation. Le principe est donc de s’appuyer sur les découvertes issues des neurosciences pour proposer les meilleures conditions d’apprentissage pour les apprenants. C’est lui qui est au centre et les ressources sont autour.
Pourquoi cet ouvrage et pourquoi ce trio avec le Docteur Nadia Medjad et Philippe Lacroix ?
Nadia Medjad est notre complice depuis plusieurs années sur le sujet des neurosciences. Elle est intervenue à plusieurs reprises lors de nos évènements, comme lors des Learning Happy Hours ou encore de LearnInnov et du Digital Learning Day pour expliquer comment notre cerveau fonctionne. Son champ d’expertise englobe l’impact des neurosciences dans le management et notamment les effets du stress sur notre cerveau.
Nous nous sommes aperçus ensemble que dans le champ de la formation, il y avait aussi quelque chose à formaliser, des champs d’applications possibles et c’est ce qui nous a donné envie d’écrire cet ouvrage. Nous avons donc réuni d’un côté une experte en neurosciences et spécialiste des mécaniques du cerveau et de l’autre Philippe Lacroix et moi-même spécialistes de la formation. Nadia Medjad a effectué un énorme travail d’analyse sur l’état de la science à l’instant t. Et nous avons essayé de travailler sur la façon dont ces principes impactent la formation. Les intuitions des formateurs s’ancrent ainsi dans la réalité scientifique.
Sur quel constat s’est construit votre propos ?
Tout comme des acteurs engagés comme Woonoz, nous voulons essayer de faire avancer la formation professionnelle. C’est aussi notre credo de mettre des coups de pied dans la fourmilière pour que les choses changent, pour que la formation devienne quelque chose qui soit plaisant et non une contrainte. Il s’agit de remettre l’individu au cœur du processus de formation, sans oublier le plaisir d’apprendre.
Dès lors, s’intéresser au cerveau, c’était s’intéresser à un élément central de la formation. L’idée est donc de permettre aux formateurs de mieux connaître le cerveau en formation. Puisque les neurosciences donnent la possibilité d’en savoir plus sur son fonctionnement la formation peut s’améliorer et s’appuyer sur des approches prouvées et éclairées par les sciences.
Neurolearning, c’est un manuel ?
Ce n’est pas vraiment un manuel, pas de recettes ici, mais nous avons essayé de proposer un ouvrage le plus pédagogique possible. Nous avons mis par exemple des « neuro checklists » à la fin des chapitres, pour proposer des solutions concrètes et permettre aux créateurs de formation de proposer des parcours plus efficaces et d’avoir des pistes sur lesquelles travailler. De notre point de vue, c’est plus un guide proposant les premiers pas pour comprendre le lien entre cerveau et formation.
Est-ce qu’il faut entendre aussi digital learning dans neurolearning ?
Quelle que soit la modalité, qu’elle soit digitale ou présentielle, ce sont les mêmes mécaniques qui entrent en jeu. Dans les deux cas, pour apprendre… il faut d’abord passer par différentes étapes. La première d’entre elles consiste à savoir capter l’attention.
Sachant que la capacité d’attention moyenne des apprenants est de 10 à 15 minutes, il est essentiel de proposer des activités pédagogiques permettant de trouver un vrai rythme capable de relancer l’attention. Que ce soit en salle ou à distance, il faut savoir travailler sur l’attention.
Coté média, à titre d’exemple, il est scientifiquement prouvé que le cerveau est plus sensible à la vidéo, que ce format soit utilisé en présentiel ou distanciel importe peu.
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De la même façon, le rôle des émotions dans l’apprentissage est également prouvé : provoquer des émotions se fait aussi bien en salle qu’avec des outils numériques tels que la réalité virtuelle ou le ressort de la gamification.
La mécanique de répétition a également son importance. On sait ainsi que la trace mnésique doit être renforcée dans le temps pour une meilleure rétention. Le mobile learning permet par exemple de donner du rythme dans le temps en distillant des grains de savoir venant renforcer les traces mémorielles.
Au final, le neurolearning impacte la façon dont on conçoit les parcours de formation. Il est vrai que le digital permet d’activer de façon plus forte un certain nombre de leviers qui vont renforcer l’apprentissage, car il multiplie et combine les formats pédagogiques. Toutefois, comme le dit Philippe Carré, chercheur et professeur des sciences de l’éducation à Nanterre, « on apprend toujours seul, mais jamais sans les autres ». Notre cerveau est social, il a besoin d’échanger, de partager. C’est en confrontant ses idées, ses connaissances, ses questionnements à ceux des autres que l’on va renforcer l’apprentissage. Le social learning s’appuie sur ces dimensions.
Comment passer au neurolearning en formation ?
Jusqu’à présent pour les formateurs, beaucoup d’éléments étaient de l’ordre de l’intuition. Désormais, ces intuitions sont éclairées et complétées scientifiquement. En s’appropriant les quelques principes présentés dans le livre, il est possible de faire évoluer ses formations afin de les rendre plus efficientes tout en ayant la modestie de comprendre que nous n’en sommes qu’au tout début de ces enseignements sur les neurosciences appliquées à la formation. Mais que se poser ces questions c’est être sur la bonne voie.
Ainsi le ministre de l’Éducation nationale, M. Blanquer a nommé Stanislas Dehaene, grand spécialiste des sciences cognitives et professeur au Collège de France, à la tête du nouveau conseil scientifique de l’Éducation nationale, justement pour développer ce regard neuroscientifique (mais pas exclusivement) sur les manuels scolaires, les programmes ou encore la formation des enseignants. Les neurosciences nous poussent à revoir notre façon d’apprendre de l’enfant à l’âge adulte, et il était temps.